À nous les bois et leur misère
Qui pour nous n'ont plus de secret
À nous le fleuve aux ondes claires
Où se reflète la forêt
À nous l'existence sauvage
Pleine d'attrait et de douleurs
À nous les sapins dont l'ombrage
Nous rafraîchit dans nos labeurs
Bravant la foudre et les tempêtes
Avec leur aspect solennel
Qu'ils sont beaux ces pins dont les têtes
Semblent les colonnes du ciel
Lorsque privés de leur feuillage
Ils tombent sous nos coups vainqueurs
On dirait que dans le nuage
L'esprit des bois verse des pleurs
Dans la forêt et sur la Cage
Nous sommes trente voyageurs
Quand la nuit de ses voiles sombres
Couvre nos cabanes de bois
Nous regardons passer les ombres
Des Algonquins, des Iroquois
Ils viennent, ces rois d'un autre âge
Conter leurs antiques grandeurs
À ces vieux chênes que l'orage
N'a pu briser dans ses fureurs
Puis sur la Cage qui s'avance
Avec les flots du Saint-Laurent
Nous rappelons de notre enfance
Le souvenir doux et charmant
La blonde laissée au village
Nos mères et nos jeunes sœurs
Qui nous attendent au rivage
Tour à tour font battre nos cœurs
Dans la forêt et sur la Cage
Nous sommes trente voyageurs
Quand viendra la triste vieillesse
Affaiblir nos bras et nos voix
Nous conterons à la jeunesse
Nos aventures d'autrefois
Quand enfin pour ce grand voyage
Où tous les hommes sont rameurs
La mort viendra nous crier: Nage!
Nous dirons bravant ses terreurs
Dans la forêt et sur la cage trente voyageur