NARRATION : A chaque fois c'est pareil. << Va faire ton solfège. >> Et mon pauvre Anatole peut même pas placer un mot. Il aimerait être un petit gars comme les autres à qui on raconte des histoires en lui ébouriffant les cheveux. Alors les histoires, il les invente tout seul. C'est pour ça qu'il est détective et qu'il s'appelle Anatole Peterson. Le lendemain au petit-déjeuner, c'est pas mieux. Bobby Mouillepatte lit le journal << Double-croche >>, en écoutant la radio.
On entend des jingles du genre << Radio dièze, la musique un cran au-dessus >>, ou des pubs comme << Les cours Biniou, des bonnes notes à votre portée >>, ou encore << Maintenant, nous écoutons le jazz en roue libre dirigée par Herbert von Caravane >>
LOLA (chuchotement) : Vas-y, Anatole... Dis-lui...
ANATOLE : Papa, faut que je te dise...
BOBBY (chantonne): Pa-pe di di bou bou di pe di pa ... Oui, mon p'tit... Da de di dou dou ... qu'est-ce qu'y a ? pa pa pe di di.
LOLA : Ca y est, vas-y...
BOBBY : Pou pou di dzouuuu...
ANATOLE : Je voulais te dire qu'hier, à l'école, pendant le cours de musique...
BOBBY : Ba be bi di...
ANATOLE : On m'a...
Driiiiiiiiiiiiiing... Sonnerie de téléphone. Bobby décroche.
BOBBY : Mouillepatte, bonjour. Oui... Oui... Non... Esclaffo ? Esclaffo Papa Moraes, le génie du tempo, le pape de la salsa ? Caramba, mon ami, le bonheur de t'entendre ! Comment vas-tu, pirate ? Toujours à faire danser la vieille ville ? Quoi ?! Quoi!? C'est urgent ? Mais qu'est-ce qui se passe... Tout de suite ? Mais... Esclaffo... Esclaffo ? Esclaffo ? Tu m'entends ? Allo ? Allo... ? (il raccroche)
Nom d'un rossignol, ça a coupé, (ça m'a l'air sérieux. Il a besoin de moi. Anatole, mon petit, je pars pour San Balajo. Si mon ami Esclaffo compte sur moi, je n'ai pas une seconde à perdre. En avant, Maestro !
ANATOLE : Et moi ?
BOBBY (qui commence déjà à courir partout pour rassembler ses affaires) : Toi, tu files à l'école. Fais comme si j'étais là. Préviens Madame Breloque, pour qu'elle te fasse à dîner.
ANATOLE : Tu ne seras pas là pour dîner ?
BOBBY : San Balajo est à douze heures d'avion. Hé hé, San Balajo, le paradis de la musique ! Je serai là dans une petite semaine. Où est ma valise... ?
Et hop, ma trompette, deux diapasons, une paire de bretelle...
NARRATION : Et voila... Un coup de fil de San Balajo compte plus que les confidences d'un fiston qui boit son chocolat au petit-déjeuner. Il est comme ça, Bobby. Et une demi-heure plus tard :
BOBBY (criant dans l'escalier): Anatole ! Où t'es passé ? ... Bon j'y vais, mon petit. N'oublie pas Madame Breloque pour le dîner. Anatole ? Salut petiot, et... Fais ton solfège !
La porte claque.
PICTOBRUIT : Passage d'avion.