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Annette Vande Gorne - Le ginkgo Lyrics



Annette Vande Gorne - Le ginkgo Lyrics




Un arbre, un seul, un gingko... Sur notre planète désormais sans verdure ni lumière naturelles, c'est tout ce qui nous reste des temps mythiques et paradisiaques, où nos cœurs, nos yeux, nos ventres se nourrissaient des fruits et des beautés de la Terre. [...]

La vie de l'Arbre aux Dix Mille Écus règle nos lois, nos fantasmes, et nos saisons au ciel uniformément gris. Ses temps forts sont les nôtres. Ses changements rythment nos fêtes et nos deuils. Nous qui sommes éternels, nous le regardons mourir avec envie. [...]

De grands éventails, agités par de jeunes hommes entrés à son service, remuent doucement l'air immobile et semblent alors le faire entrer dans un indicible et musical tremblement d'extase.

À tous les spectateurs de ce phénomène, la vie, pour un temps, se révèle légère. Leur dévotion en augmente d'autant pour tout ce qui risque de disparaître et de leur échapper. [...]

Une fois par année théorique (un nuage de poussière nous cache en permanence le ciel) a lieu l'instant sublime où, dans un frisson doré de tout son être, le Sage aux Racines Profondes se dévêt d'un coup de son feuillage et en répand la couronne à ses pieds en un cercle magique et silencieux. [...]

C'est un grand moment de philosophie. D'autres qui n'ont que la beauté pour folie en mesurent l'irrémédiable éloignement. Dépouillement, consentement, mort pour quelle éventuelle renaissance? Dans cette leçon, vous voudrions voir la clé de notre salut: aussi chaque feuille, ainsi léguée, devient-elle l'objet d'une étude attentive, d'un décompte exhaustif, sous peine de demeurer insignifiant. [...]

Dans ses feuilles à l'écriture nerveuse se trouve sans doute inscrite la réponse salvatrice à la vie qui nous fuit en ne mourant jamais, à l'avenir qui se referme sur nous dans son éternité. En son énigme nous espérons encore trouver la science des parcours inexorables de notre espèce et par là une sortie aux spirales infinies de nos angoisses.

Mon rôle consiste, après les cérémonies du ramassage des feuilles (cérémonies qui donnent lieu à des excès inimaginables), à collationner le matériel collecté, à en faire le comptage, à le traiter pour sa parfaite conservation dans les grands livres. [...]

Rapidement la nouvelle a filtré: entre les comptes des ramasseurs et les miens, il manque inexplicablement une feuille. C'est l'affolement. Je n'y puis rien, mais déjà la faute semble devoir m'en incomber. Déjà, obscurément, je l'accepte. C'est donc à moi, Maître des Grands Nombres de l'Écrit, qu'il convient de réparer si possible. [...]

Je suis parti comme un voleur. Ma route sera solitaire et inconnue. [...]

Sans espoir de mourir, je n'ai besoin d'aucune nourriture. Ce n'est pas de cette faim-là que je souffre. Non. C'est le désert qui toujours en veut plus et m'épuise.

Il prend ma substance. Il me remplace en moi. Je deviens peu à peu le monde mort qui m'entoure. [...]

Je ne rencontre rien. Pas un insecte,

Pas un indice. Je m'accroche à des distances qui jamais ne diminuent. Dans cet

Espace ma pensée s'éveille, mon esprit se renforce. Je savais prendre, j'ai appris à donner, j'apprends à recevoir; bientôt, je le sens, je serai tout entier l'objet de la transaction. [...]

Le temps n'a plus de sens, l'espace non plus. Simplement je vais dans un plaisir et une douleur de plus en plus vifs. Je m'aiguise, je m'affûte... [...]

De toute façon, je ne peux plus revenir en arrière. J'avance sans me poser de questions. Peut-être est-ce une façon de retourner, sans le savoir, à mon point de départ? Mais là encore, quelle importance? Une grande excitation s'est emparée de moi. C'est tout à fait inhabituel. Quelque chose va arriver... [...]

Ca y est, je suis encore sous le choc. Je viens de rencontrer quelque chose: une mousse, toute petite et sèche, poussée par un vent léger venu d'on ne sait où.

J'ignore depuis combien de temps j'ai pu marcher, mais maintenant cela change chaque jour et chaque pas m'apporte sa moisson nouvelle. [...]

À chaque avancée, avançait la création du monde. Bientôt j'eus faim, soif et d'autres sensations encore plus fortes. J'éprouvai qu'être seul est vivre incomplet. L'amour d'un autre, sans qui je ne pouvais plus être, me venait comme monte une fièvre. Je commençai à chercher cela, cette silhouette manquante, ce profil sur l'horizon... [...]

Je suis au bout de mon voyage. Ici est le lieu où naître et mourir, où rencontrer l'autre et l'aimer, où être rencontré et aimé. Je ne sais rien de plus du ginkgo sauf qu'ici ils sont légions parmi d'autres légions d'essences différentes. Je ne sais rien de plus du cercle clos de l'avenir sauf que sa colonne tourbillonnante m'emporte irrésistiblement vers un amour...

Un temps viendra, où, qui sait?, je me réveillerai, jeune moine au pied d'un arbre unique, inquiet d'une feuille perdue, la désirant pour moi seul et me rassurant de l'ordre des mondes, de la place des choses, du vide de Dieu... Ou bien au contraire de...

[Poème: Werner Lambersy]
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Un arbre, un seul, un gingko... Sur notre planète désormais sans verdure ni lumière naturelles, c'est tout ce qui nous reste des temps mythiques et paradisiaques, où nos cœurs, nos yeux, nos ventres se nourrissaient des fruits et des beautés de la Terre. [...]

La vie de l'Arbre aux Dix Mille Écus règle nos lois, nos fantasmes, et nos saisons au ciel uniformément gris. Ses temps forts sont les nôtres. Ses changements rythment nos fêtes et nos deuils. Nous qui sommes éternels, nous le regardons mourir avec envie. [...]

De grands éventails, agités par de jeunes hommes entrés à son service, remuent doucement l'air immobile et semblent alors le faire entrer dans un indicible et musical tremblement d'extase.

À tous les spectateurs de ce phénomène, la vie, pour un temps, se révèle légère. Leur dévotion en augmente d'autant pour tout ce qui risque de disparaître et de leur échapper. [...]

Une fois par année théorique (un nuage de poussière nous cache en permanence le ciel) a lieu l'instant sublime où, dans un frisson doré de tout son être, le Sage aux Racines Profondes se dévêt d'un coup de son feuillage et en répand la couronne à ses pieds en un cercle magique et silencieux. [...]

C'est un grand moment de philosophie. D'autres qui n'ont que la beauté pour folie en mesurent l'irrémédiable éloignement. Dépouillement, consentement, mort pour quelle éventuelle renaissance? Dans cette leçon, vous voudrions voir la clé de notre salut: aussi chaque feuille, ainsi léguée, devient-elle l'objet d'une étude attentive, d'un décompte exhaustif, sous peine de demeurer insignifiant. [...]

Dans ses feuilles à l'écriture nerveuse se trouve sans doute inscrite la réponse salvatrice à la vie qui nous fuit en ne mourant jamais, à l'avenir qui se referme sur nous dans son éternité. En son énigme nous espérons encore trouver la science des parcours inexorables de notre espèce et par là une sortie aux spirales infinies de nos angoisses.

Mon rôle consiste, après les cérémonies du ramassage des feuilles (cérémonies qui donnent lieu à des excès inimaginables), à collationner le matériel collecté, à en faire le comptage, à le traiter pour sa parfaite conservation dans les grands livres. [...]

Rapidement la nouvelle a filtré: entre les comptes des ramasseurs et les miens, il manque inexplicablement une feuille. C'est l'affolement. Je n'y puis rien, mais déjà la faute semble devoir m'en incomber. Déjà, obscurément, je l'accepte. C'est donc à moi, Maître des Grands Nombres de l'Écrit, qu'il convient de réparer si possible. [...]

Je suis parti comme un voleur. Ma route sera solitaire et inconnue. [...]

Sans espoir de mourir, je n'ai besoin d'aucune nourriture. Ce n'est pas de cette faim-là que je souffre. Non. C'est le désert qui toujours en veut plus et m'épuise.

Il prend ma substance. Il me remplace en moi. Je deviens peu à peu le monde mort qui m'entoure. [...]

Je ne rencontre rien. Pas un insecte,

Pas un indice. Je m'accroche à des distances qui jamais ne diminuent. Dans cet

Espace ma pensée s'éveille, mon esprit se renforce. Je savais prendre, j'ai appris à donner, j'apprends à recevoir; bientôt, je le sens, je serai tout entier l'objet de la transaction. [...]

Le temps n'a plus de sens, l'espace non plus. Simplement je vais dans un plaisir et une douleur de plus en plus vifs. Je m'aiguise, je m'affûte... [...]

De toute façon, je ne peux plus revenir en arrière. J'avance sans me poser de questions. Peut-être est-ce une façon de retourner, sans le savoir, à mon point de départ? Mais là encore, quelle importance? Une grande excitation s'est emparée de moi. C'est tout à fait inhabituel. Quelque chose va arriver... [...]

Ca y est, je suis encore sous le choc. Je viens de rencontrer quelque chose: une mousse, toute petite et sèche, poussée par un vent léger venu d'on ne sait où.

J'ignore depuis combien de temps j'ai pu marcher, mais maintenant cela change chaque jour et chaque pas m'apporte sa moisson nouvelle. [...]

À chaque avancée, avançait la création du monde. Bientôt j'eus faim, soif et d'autres sensations encore plus fortes. J'éprouvai qu'être seul est vivre incomplet. L'amour d'un autre, sans qui je ne pouvais plus être, me venait comme monte une fièvre. Je commençai à chercher cela, cette silhouette manquante, ce profil sur l'horizon... [...]

Je suis au bout de mon voyage. Ici est le lieu où naître et mourir, où rencontrer l'autre et l'aimer, où être rencontré et aimé. Je ne sais rien de plus du ginkgo sauf qu'ici ils sont légions parmi d'autres légions d'essences différentes. Je ne sais rien de plus du cercle clos de l'avenir sauf que sa colonne tourbillonnante m'emporte irrésistiblement vers un amour...

Un temps viendra, où, qui sait?, je me réveillerai, jeune moine au pied d'un arbre unique, inquiet d'une feuille perdue, la désirant pour moi seul et me rassurant de l'ordre des mondes, de la place des choses, du vide de Dieu... Ou bien au contraire de...

[Poème: Werner Lambersy]
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Writer: Annette Vande Gorne
Copyright: Lyrics © Ymx média




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