Chez Fanny la soupe était bonne
Chez Fanny le lit était chaud
Fanny savait comme personne
Nous accueillir dans son bistrot
A cette époque de misère
De Wehrmacht et de Gestapo
Fanny elle savait y faire
Pour nous éviter le STO
Chez Fanny les nuits étaient tendres
Malgré les dangers du dehors
Nul ne risquait de nous surprendre
Fanny nous cachait sans effort
Quand soudain se pointait la troupe
En uniformes verts ou noirs
Fanny reine de l'entourloupe
Les éconduisait sans histoire
Fanny c'était cette française
Qui secrètement écoutait
Des voix sur les ondes anglaises
De Français parlant aux Français
Fanny belle et indépendante
Courageuse risquait sa peau
Et patriote et militante
Avait l'étoffe des héros
Chez Fanny c'était la cantine
Mais c'était aussi certains actes
D'une imprimerie clandestine
D'où partaient affiches et tracts
Je me doutais que la coquine
Nous cachait ses petits secrets
Qu'étaient plus lourds qu'on imagine
Mais ça je ne l'ai su qu'après
Fanny un matin aux aurores
La troupe est venue la chercher
Ce jour je m'en souviens encore
Un salaud l'avait dénoncée
Elle est partie sous forte escorte
Le front haut et la tête nue
Après avoir franchi la porte
Fanny n'est jamais revenue
Depuis on ne parle plus guère
De ces jeunesses sacrifiées
Qui étaient marraines de guerre
De résistants et prisonniers
Celle du temps des années sombres
Celles des Fannys oubliées
Qui ne sont même plus des ombres
Dans des tombes abandonnées
Fanny c'est toute ma jeunesse
C'est ma mémoire et mon passé
C'est ce lien sacré qui me blesse
Au chant de mes années cassées
Fanny si vibrante et si belle
J'en suis toujours comme j'étais
Éperdument amoureux d'elle
Et je ne l'oublierai jamais
Éperdument amoureux d'elle
Et je ne l'oublierai jamais