Pain Beurré et Pain Doré sont deux chevaux blancs
Avec des taches de safran
Quand Pain Beurré est content
Pain Doré l'est tout autant
Quand Pain Beurré part pour la chasse
Pain Doré, lui, reste à sa place
Et s'occupe des chevaux des champs
Pain Beurré et Pain Doré ont un bon patron
Un ancien bagnard, dit-on
Revenu dans le canton
Il élève des chatons
Il fait commerce de pivoines
Et donne de bonnes rations d'avoine
À nos deux frères jumeaux bretons
Pain Beurré et Pain Doré ont la même jument
Ils se la partagent gaiement
Étant chacun son amant
Elle les trouve tous deux charmants
L'ancien bagnard règle les heures
Règle les heures de leur bonheur
Et ça évite bien des tourments.
Ils travaillent, ils sont nourris
La paix dans l'esprit
Ils vivent bien loin d'Paris
Le dimanche ils vont en perme
En faisant le tour d'la ferme
Sur leur crinière, des oiseaux gris
Se reposent en faisant << cui-cui >>
Car les oiseaux sont leurs amis.
Je crois bien qu'nos percherons
Au ventre marron
Ignorent tout des éperons
Et du monde qui n'tourne pas rond
Jusque dans nos environs
Comme il fait bon sur leur litière
De roupiller des nuits entières
Près d'un matou qui fait ronron
Pour eux passera le temps
Peut-être vingt ans
C'est bien peu pour un jeune homme
Mais pour un cheval c'est comme
S'il avait quatre-vingts ans
Ils auront une vieillesse heureuse
La Mort viendra, phares en veilleuse
Et sans avoir le mors aux dents
Pain Beurré et Pain Doré n'auront pas d'histoires
Ou bien des histoires d'armoires
Et de confitures de poires
Des histoires de jours de foire
Mais moi je sais qu'un jour ou l'autre
Vous conviendrez, ces deux apôtres
Eurent un destin pas comme le nôtre