Suivi du Suicide impie
A travers les pâles cités
Le Malheur rôde il nous épie
Prés de nos seuils épouvantés
Alors il demande sa proie
La jeunesse au sein de la joie
L'entend soupire et se flétrit
Comme au temps où la feuille tombe
Le vieillard descend dans la tombe
Privé du feu qui le nourrit
Où fuir Sur le seuil de ma porte
Le Malheur un jour s'est assis
Et depuis ce jour je l'emporte
A travers mes jours obscurcis
Au soleil et dans les ténèbres
En tous lieux ses ailes funèbres
Me couvrent comme un noir manteau
De mes douleurs ses bras avides
M'enlacent et ses mains livides
Sur mon cœur tiennent le couteau
J'ai jeté ma vie aux délices
Je souris à la volupté
Et les insensés mes complices
Admirent ma félicité
Moi-même crédule à ma joie
J'enivre mon cœur je me noie
Aux torrents d'un riant orgueil
Mais le Malheur devant ma face
A passé le rire s'efface
Et mon front a repris son deuil
En vain je redemande aux fêtes
Leurs premiers éblouissements
De mon cœur les molles défaites
Et les vagues enchantements
Le spectre se mêle à la danse
Retombant avec la cadence
Il tache le sol de ses pleurs
Et de mes yeux trompant l'attente
Passe sa tête dégoûtante
Parmi des fronts ornés de fleurs
Il me parle dans le silence
Et mes nuits entendent sa voix
Dans les arbres il se balance
Quand je cherche la paix des bois
Près de mon oreille il soupire
On dirait qu'un mortel expire
Mon cœur se serre épouvanté
Vers les astres mon œil se lève
Mais il y voit pendre le glaive
De l'antique fatalité
Sur mes mains ma tête penchée
Croit trouver l'innocent sommeil
Mais, hélas Elle m'est cachée
Sa fleur au calice vermeil
Pour toujours elle m'est ravie
La douce absence de la vie
Ce bain qui rafraîchit les jours
Cette mort de l'âme affligée
Chaque nuit à tous partagée
Le sommeil m'a fui pour toujours
Ah Puisqu'une éternelle veille
Brûle mes yeux toujours ouverts
Viens, ô Gloire Ai-je dit réveille
Ma sombre vie au bruit des vers
Fais qu'au moins mon pied périssable
Laisse une empreinte sur le sable
La Gloire a dit Fils de douleur
Où veux-tu que je te conduise
Tremble si je t'immortalise
J'immortalise le Malheur
Malheur Oh Quel jour favorable
De ta rage sera vainqueur
Quelle main forte et secourable
Pourra t'arracher de mon cœur
Et dans cette fournaise ardente
Pour moi noblement imprudente
N'hésitant pas à se plonger
Osera chercher dans la flamme
Avec force y saisir mon âme
Et l'emporter loin du danger