Cette nuit-là la lune n'avait laissé le noir venir Le ciel ne pouvait se faire nuit
Elle étirait mes pensées
Comme la marée sort la mer de son ennui
Nous marchions à la file comme des robots couverts de pâleur Le regard vide et le visage triste
Il fallait marcher alors nous marchions
Il fallait vivre alors nous vivions
Encore une journée où j'avais oublié de rêver Soit je n'dormais pas soit trop profond
Les rêves ne trouvaient chemin
Au cœur de mes sommeils trop léger ou trop intense
<< Qu'ils sont tristes ces gratte-ciels qui défilent Quel triste décor pour une triste nuit Toute façon c'est toujours la même,
On prend les mêmes on recommence
On fait la même on recommence >>
Nous avancions lentement vers ce qu'on disait nouvelle mine Nous étions les nouveaux mineurs d'aujourd'hui
Nous n'avions plus de pioches à l'épaule
Mais des sacoches légères qui nous pendaient en bandoulière Le vent soufflait sur nos visages
Nous entendions à peine le premier de file
<< Moi non plus j'n'ai rien dormi Il fait trop chaud la journée Faudrait dormir dans des grottes Le sol n'est surement pas de plume Mais peut-être que dans la fraicheur
Les rêves se rallument >>
<< Avec tout ce que tu bois, Comment tu veux trouver le sommeil ? >>
<< Faut bien s'aérer la tête non ? >>
<< J'avoue que c'est pas la triste hélice de notre bunker qui le soir refroidit nos pensées >>
On y avait tous cru et on y croyait encore On s fra remplacer par des bras en métal Qui ont les doigts qui courent sur les touches 1000x plus vite que les nôtres maladroits
<< Et nous on pourra enfin s'arrêter On se couchera on regardera les étoiles On fra du progrès le socle du temps perdu A rêver et à se perdre partout en une fois <<
<< Oh, ouvre, y'a qu'une clé
Et j'sais pas pourquoi elle est dans ta main Tout le monde s'endort sur le pas d porte
Tu rêveras demain
La machine n'attend pas
Et plus vite on commence et plus vite on sort de là >>
Ce jour-là, la lune n'avait laissé le noir venir et je ne voyais même plus les ailes de l'hélice. Elles tournaient si vite pour tout refroidir et m'empêchaient de voir le ciel resplendir.
Tout s'était emballé à grande vitesse.
Il nous avait fallu augmenter nos rythmes sans cesse. Nous tournions à plein régime depuis,
Et avions perdu toute once d'envie.
<< Qu'ils crèvent! Ou alors ce sera nous.
Ils n'ont aucune conscience de tout ce qu'ils nous demandent. Qu'on nous remplace les machines sont bien plus rapides que nos pauvres doigts délicats. >>
Ce jour-là, la lune n'était venue
Et la pauvre hélice à bout de souffle surchauffa.
<< Redémarre là, je t'en supplie. Sans elle, tout va brûler. Il faut qu'elle tourne. >>
<< Je ne sais pas ce qui se passe. De toute façon, j'y comprends rien. J'tape sur des touches moi normalement, la journée. >>
On l'avait bien dit,
On fait trop avec trop peu. On ne peut pas tout avoir
Il fallait bien que tout lâche un jour Ce soir-là, le ciel était clair
Et on a juste pu tout éteindre.
Alors on avait rangé les pioches
Et puis on avait recommencé à rêver, On dormait la nuit et revoyait le soleil, C'était sûr que tout s'arrêterait un jour On avait même fini par en rêver
Ce soir-là, la lune n'avait lassé le noir venir Et on s'était endormi comme au ralenti Après avoir contemplé les étoiles et les comètes, Nos sourires étaient revenus.
Nous fûmes rappelés quelques temps plus tard. Tous sûrs de l'avoir été pour un dernier au revoir. La file n'était plus. Nous marchions en tas. Nous allions voir la mine pour une dernière fois.
<< Je ne sais pas si ça me réjouit de voir vos têtes. >>
<< J'avoue qu'on était bien sans ta voix criant de nous rassoir >>
Les rires résonnaient dans les quartiers. Le défilé avait allure de fête.
Puis arrivés devant la mine, nous ouvrîmes la porte doucement, Persuadés d'y voir le vide,
Du moins les décombres encore brûlants
De nos intenses travaux de folie.
Mais la surprise fut inverse et retourna nos sourires. L'hélice n'était plus, s'était rangé pour deux nouvelles. Les bureaux étaient polis et on s'y voyait à travers. Prêts à accueillir de nouveau rythmes insoutenus.
Alors quoi? On détruit tout? On s'épuise à le faire. On cache les ruines.
On retourne en enfer.
Alors quoi? On détruit tout? On s'épuise à le faire. On cache les ruines.
On retourne en enfer.